Entropies p2

8/8/20243 min read

Illustration d’une ampoule en verre éteinte (grillée) sur fond gris.
Illustration d’une ampoule en verre éteinte (grillée) sur fond gris.

In a sky full of people, only some want to fly
Isn't that crazy

Seal - Crazy (Guy Sigswort, Seal)

Quantification du degré de désorganisation ou de manque d'information d'un système ou d'un signal. En thermodynamique, grandeur qui mesure la dégradation d'énergie d'un système.

Dans un système fermé, on retrouve toujours des sacrifices d'énergies qui servent sa croissance ou sa réparation.

Ces changements transforment l'énergie elle-même, la rendant souvent volatile et au final inutilisable. Ils contribuent ainsi au chaos et à l'entropie de l'environnement de cette énergie.

Quelle que soit la situation, les niveaux d'entropie ne peuvent alors jamais décroître tant qu’ils restent dans un système fermé. Ces niveaux ne peuvent pas disparaître. Ils changent juste de formes, trouvant souvent différents moyens de s'exclure...

L'entropie du design

Le monde nous semblait tellement immense que nous en avions oublié qu'il était fini, limité en superficie.

Sous prétexte d'accessibilité, le design, avec l'industrialisation et la production de masse, s'engouffre après la deuxième guerre mondiale dans une ère de droits à la propriété où tout homme se rêve américain et veut se moyenniser. Ce rêve est un rêve d’égalité: peu importe les origines d'un homme, il peut atteindre la prospérité par son travail. Avec Henry Ford, Dieter Rams (Braun), Edwin H. Land (Polaroïd), Charles Eames... nous pouvons tous posséder une maison, une voiture, un rasoir, un appareil photo et un siège confortable pour se détendre le soir. La notion de moyennisation* est cet accès des classes populaires et ouvrières à la classe moyenne par l'ère de l'hypermarché et du consumérisme.
*: Lire L'archipel français (livre de Jérôme Fourquet et Sylvain Manternach)

Bref, le design rend accessible à tous le confort, les loisirs, les transports et les services.

Ces désigneurs du futur (Ford, Land, ...) et designers de métier (Eames, Rams, ...) qui visent alors cette accessibilité, sont les premières grandes figures représentant pour moi cette inclusion et cette moyennisation.

Il me faudra du temps pour accepter que leur vision, aussi pure soit elle, n'ait pas (assez) pris en compte que le fait que notre monde est restreint et que cette augmentation de production provoquera des externalités négatives, effets externes produits par un agent économique sans contrepartie (pollution de la nappe phréatique, emprisonnement des salariés ou riverains, ...)

Parallèlement, le design s'est peu à peu perdu dans une industrialisation effrénée en oubliant volontairement de faire la différence entre accessibilité et consumérisme. C’est la pensée design sans la vision…

L'entropie des entreprises

En même temps, j'ai découvert ses dernières années une autre entropie liée à celle du design. L’entropie de ses entreprises qui souhaitent devenir un monde dans le monde et créer leurs propres écosystèmes externes avec leurs propres langages, leurs propres lois et maintenant leurs propres villes.

On s'éloigne ici de toute réelle ouverture, de toute vérité ou de toute universalité.

Cette autosuffisance cache une dangereuse incompréhension de ce qui nous entoure et les énergies (les hommes) se perdent peu à peu dans cet égotique dictat qui balaye tout réel échange... donc toute remise en question profonde.

Lorsque Jeff Besoz, patron d'Amazon, met 9 secondes pour gagner le salaire annuel médian de ses employés, on atteint un niveau d'aberration (du latin aberrare : s'écarter de) impensable. Et l'impensable est refusé et enfoui par notre cerveau. Un écart se crée entre les hommes et certains finissent par s'éteindre avant de parfois se relever pour publier une note expliquant comment ils se sont remis de leur burn out.

En 2018, les profits d'Apple équivalaient au PIB de la Tunisie ou la Bulgarie, soit dix fois celui du Mali (Le figaro, Victoria Castro) Lorsque les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) deviennent plus puissants qu'une grande partie des états, la pensée politique même (gestion de la cité) est complètement bouleversée... Ces mégacorporations ont un impact fort lorsqu'elles s'implantent dans une ville, elles s'intéressent à la gestion des flux des mégapoles (exemple de Google à Toronto, projet avorté) et a leurs privatisations (projet Zee Town de Zuckerberg).

La dernière entropie, et non la moindre, est celle des hommes.

Maintenir un être humain face à ces aberrations, dans ces univers en boucle, s'est le perdre.

Le marketing, les politiques, les médias (réseaux sociaux compris) et leurs armées d'influenceurs nous ont fait accepter de manière presqu’inextricable l'inacceptable.

Étrangement, le mondialisme a créé une ultra-moderne solitude. Lorsque nous ne sommes plus entendus, notre horizon semble souvent se resserrer à deux options qui ne peuvent pas être des choix : courber l'échine et s'arrêter de communiquer ou s'échiner à réagir en perdant la raison, cette impasse est… l’entropie de l'être .

Note suivante : Expérience

Première note de la série: Préambule