Expérience p3
Life's what you make it
Mark Hollis, Life's what you make it
Expérience du latin experientia, de experiti, faire l'essai.
Expérience que l'on fait, expérience que l'on a ou expérience que l'on réalise,... autant de variations possibles autour de ce mot. J'aimerai vous en proposer une autre interprétation.
Pour ce faire, je pose la face A de l'album "Mark Hollis" sur la platine puis laisse le grésillement s'installer dans les sillons du vinyle et me lance dans l'écriture de cette note...
Mark Hollis (1998)
Tu crées un mouvement […] plutôt qu’une chanson reconnaissable, et là, tu rends possible l’ascension…
Mark Hollis
Expérimenter la musique de Mark Hollis peut être déconcertant. On se perd dans les silences d'un lent piano et les contre-allées d’une guitare presque rythmique. Les impasses de sa construction musicale entrouvrent une fenêtre sur un monde où tout semble évident, où rien ne semble simple.
Lorsqu’on croit comprendre la mélodie entêtante qui se propage lentement dans nos veines, lorsqu’on croit toucher du doigt la lumière de cette voix tombée du ciel, tout s'arrête... Au moment précis où le corps a du mal à retenir ses émotions, ses sens et une âme devenue, soudainement, tellement âgée, la lumière s’évanouit (pour ne laisser place qu'aux échos des silences de nos vies).
Cette expérience n’est pas de celles que l’on a, que l’on fait ou que l’on réalise. C’est une expérience que l’on vit comme ce premier baiser où le cœur bat tellement fort qu’il efface tout autre son jusqu'à arrêter les mouvements du monde le temps d’un bref instant d'éternité qui s’efface à peine né.
Lorsqu’un UX Designer me parle d’expérience, voici à quoi je me réfère. Je pense aussi à ma découverte du walkman, objet magique qui me permit de créer des milliers de bulles musicales autour de moi et changea mon (notre) rapport au monde.
Je pense à Skype qui transforma la relation avec mes parents expatriés en me permettant de discuter de visu une fois par semaine avec eux alors qu'ils habitaient à l'autre bout de la terre.
Je pense à mon vélo électrique qui m'a de rendu possible un déplacement quotidien qui semblait improbable au piètre "sportif" que je suis....
Pourtant peu d'UX designers me parlent de ce type d'expérience...
Et si le design…
L’idée même de cet écrit part de ce constat. Et si le design qui a servi les ères industrielles devait redéfinir sa raison d'être ?
Et si le design devait revenir à l'Expérience pour ne pas se limiter à de simples pratiques et usages qui uniformisent tout ce que le designer propose ?
Et si le design orienté services pouvait rattraper les errements d'une pensée design qui n’en est pas ou plus vraiment une ?
Et si le design pouvait aider l'utilisateur à revenir à la prise de conscience de tous ses gestes et leurs conséquences ?
Au-delà du design
Je finirai cette note par une expérience majeure que j’ai pu vivre ces dernières années.
Il existe un lieu magique à Singapour. Une Forêt Nuage, nichée dans une immense serre.
On peut grimper autour de cette montagne reconstituée, véritable écosystème végétal, et se laisser porter par des couleurs de plantes plus vibrantes les unes que les autres, par des formes de fleurs aussi surprenantes que les mélodies de Marc Hollis. Tout nous rappelle la richesse du monde dans cette ascension.
Une fois arrivé au sommet, on voit tout Singapour à travers des centaines de carreaux et on se sent heureux d’avoir compris cette œuvre écologique de la ville-état qui a tant besoin de réduire son empreinte carbone.
La descente est rapide et dure comme le film qui nous reçoit au sol : + 5 degrees montre ce qu’il va se passer se passe à chaque degré de réchauffement de la planète, chaque race animale, chaque espèce de plantes, chaque part d’humanité que l’on perd…
Life is what you make it, il est encore tant de redesigner notre rapport aux autres, au monde et à la Terre… La face A est terminée, je me lève pour passer à la face B.
Première note de la série : Préambule